Où l’aztèque Acocoyotl Polichtiltli s’émerveilla de tous les faits et gestes hautement chevaleresques du très ingénieux Hidalgo Don Quijote de la Mancha, contés musicalement avec force trémolos par son fidèle Sang-Chaud, une nuit de lune pleine, sous les froufroutantes frondaisons d’une jungle oppressante :

 

« Oyez oyez senor Coco…Vous permettez que je vous appelle Coco ? »

Un sourire édenté et radieux illuminait le visage de Sang-Chaud. Il n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il pouvait chanter les louanges de son bon maître en pinçant avec fougue les trois cordes de son charango.

Où l’aztèque Acocoyotl Polichtiltli ne s’émerveilla pas complètement des marques de familiarité maladroites mais bien compréhensives du fidèle Sang-Chaud et refusa poliment mais fermement d’être appelé Coco, sous les froufroutantes frondaisons d’une jungle toujours aussi oppressante :

« Non ! Tu ne peux pas…Fit Acocoyotl Polichtitli.

« Ah bon tant pis…répondit Sang-Chaud, toujours souriant. Alors je vous appellerai Popo...Senor Popo, c’est bien aussi ! Donc, Senor Popo… »

Après une œillade appuyée à Acocoyotl il fit frénétiquement sonner son instrument.

« …Donc, voilà mon maître qui, n’écoutant que son devoir, était parvenu, à la seule force de ses petits poignets et de mes grosses épaules, en haut de la sombre tour du sombre donjon du Castel Gaspacho.

Dans un songe, la nuit précédente, il avait entendu l’appel de la malheureuse princesse Dona Tortilla y Pastachuta. Cette pauvre enfant, qui n’avait déjà pas été aidée par dame nature étant atteinte de nanisme, était abjectement retenue prisonnière par ses trois ignobles  frères, les géants Don Gargouilli, Don Gargouillo et Don Gargouilla…

Hélas, en haut de la sombre tour du sombre… »

Où l’aztèque Acocoyotl Popo s’émerveilla de moins en moins et commença même à s’impatienter sous les froufrous qui frondaient et la jungle qui s’oppressait :

«  Hélas, trois fois hélas, continua Sang-Chaud en tirant

de vibrants et pathétiques grincements sur son charango.

« Hélas, dans le donjon, point de princesse ! Seulement les trois géants, qui attendaient mon maître, les traîtres ! Et avant qu’il n’ait pu esquisser le moindre geste voilà les bougres qui l’attrapent chacun par un pied !...

« Il avait donc trois pieds à ce moment-là ? Quel homme, demanda narquoisement Acocoyotl.

« Oui, s’écria Sang-Chaud qui ne se démonta pas pour si peu. C’était bien là toute la ruse de mon maître qui avait plus d’un tour et d’un pied dans son sac. Il avait effectivement trois pieds ! Les géants en furent si ébahis qu’ils lâchèrent mon maître qui, avec son pied supplémentaire, frappa les géants dans leurs quatre genoux !

« Ils avaient chacun quatre genoux ?

« Oui ! Quatre genoux chacun, à eux trois ça faisait quatre fois trois égal douze genoux à frapper ! Et bien vous le croirez ou non, Don Quijote de la Mancha les brisa tous les douze ! Bel exploit non ?...

« Et la princesse ?

« Ah oui la princesse…C’est ce qu’on appelle les dégâts collatéraux…Dans la fougue du combat mon maître brisa aussi les genoux de cette pauvre enfant qui n’était déjà pas bien grande et c’est pour ça qu’il ne l’avait point vue.

Pour la consoler mon maître lui donna généreusement un portrait de lui peint sur un œuf par un grand peintre d’œuf. Ce qu’elle apprécia grandement car elle le cassa sur la tête de mon maître ce qui je crois est signe de remerciement de la part des personnes de petite taille dans cette contrée sauvage et reculée…

Puis nous nous esquissâmes discrètement pour d’autres aventures...

Aventures dont certainement, cher Popo, vous mourez d’envie de connaître la suite et …

Où l’aztèque ne s’émerveilla plus de rien, ni de la jungle qui froufroutait, ni des frondaisons qui gigotaient mais qui ne mourait que d’une envie, celle d’écraser le charango sur la tête de Sang-Chaud…

Ce qu’il fit…