« Maurice ?...J’en ai jamais entendu parler!.. gloussa le virevoltant Peter.

« Est-ce un enfant perdu ? Non ! Alors ça ne m’intéresse pas ! Un adulte perdu ? Ca m’intéresse encore moins ! Mais où est-il votre Maurice ? Nulle part ? Impossible ! Car s’il était nulle part, c’est qu’il serait ici, et s’il était ici,

j’le saurais !...Mais s’il n’est pas nulle part, c’est donc qu’il est ailleurs, et ailleurs, c’n’est pas mon domaine…alors qu’est-ce que j’peux y faire ? ».

Il partit d’un grand éclat de rire, exécuta un nouveau looping et se reposa au sol en saluant sous les applaudissements émerveillés de la jeune indienne.

Quel crâneur, pensa Tulurgglurkuk qui commençait sérieusement à se lasser des façons désinvoltes avec lesquelles le turbulent jeune homme répondait à ses questions. Ce Peter ne tenait pas en place et ne semblait s’intéresser à rien d’autre qu’à lui-même. Sans parler des œillades appuyées que le garçon lançait à « Tigresse-attentive-aux-Lys… » et à Tanarak.

La louve blanche de Tanarak suivait aussi d’un très mauvais œil les manières du garçon. Elle se promettait, s’il passait un peu trop près de sa maîtresse, d’y planter ses crocs, histoire de voir s’il ferait toujours le bellâtre avec un mollet en moins.

Chien-qui-pète, quant à lui, était ravi du spectacle et, comme à chaque fois qu’il était ravi, pétait d’aise sans aucune gêne.

« …Et un pingouin, demanda encore Tulurgglurkuk, ça ne vous dit rien non plus évidemment ? »

Le garçon s’arrêta net de faire le pitre.

« Un pingouin dites-vous ?...un pingouin, ça c’est bizarre…figurez-vous qu’j’viens d’avoir justement une p’tite altercation au sujet d’un pingouin avec un vieux manchot d’mes amis, et ce pas plus tard que c’matin…

« Comment-ça ?

« Bah, c’est sûrement sans importance…mais y’s’trouve que c’vieux pirate me soutenait avoir vu un pingouin filer en mer après avoir dérobé, ne m’demandez pas comment, le réveil qu’était dans l’ventre du crocodile !...

« Le réveil qui était dans le ventre du crocodile ?....

« Ouais, ben…ce s’rait trop long à vous expliquer…Bref, du coup j’l’ai’ traité d’adulte handicapé d’la vie, lui m’a traité d’enfant attardé, de fil en aiguille et d’aiguille en sabre d’abordage, on en est v’nu aux mains, le crocodile s’en est mêlé et mon pirate s’est fait bouffer sa deuxième main !... 

« Pas de chance, en convint Tulurgglurkuk.

« Ouais pas d’chance ! Surtout pour moi, fit Peter d’un air triste, avec qui j’vais bien pouvoir m’escrimer maintenant ? A moins que…peut-être qu’avec une bonne opération…une main d’perdue, comme on dit ici, dix crochets d’retrouvés…

« Et mon pingouin ? revint à la charge Tulurgglurkuk.

« On dirait qu’vous y ‘t’nez à vot pingouin, l’ami ! Vous n’perdez pas l’nord hein ! Mais ça tombe bien parce que, d’après le futur Capitaine-Deux-Crochets, c’est la direction du nord qu’il aurait prise, vot’oiseau... »

Peter changea alors d’attitude, il mit ses mains sur les hanches et ajouta, d’un air fier :

« Et du coup c’est vot’jour de chance. Vu qu’le capitaine pirate peut plus t’nir la barre de son navire, le « Jolly Roger », moi j’dis qu’si ça vous chante, cette barre et c’bateau sont à vous, et aussi à moi, enfin à nous quoi… »

Comme par enchantement nos amis se retrouvèrent donc sur le pont du vaisseau pirate. Peter avait embarqué avec eux, prétextant la nécessité de sa présence du fait de la dangerosité des récifs alentours.

« Pour vaincre les courants imaginaires, avait-il dit en se touchant la tempe, il faut un peu d’imagination, et c’est pas ça qui m’manque…et pis…maintenant qu’j’y pense... »

Un sourire malicieux à faire fondre Tanarak et la jeune indienne éclaira soudain son visage.

« Maintenant qu’j’y pense…vot’ Maurice là… ce s’rait’y pas plutôt le nom d’une île ?...

« Une île ? fit Tulurgglurkuk.

« Oui, une île !...parce que si c’est le nom d’une île, continua-t-il en se tournant vers la proue du bateau et en dardant son épée vers l’horizon…

Bah…l’île Maurice, les amis…elle est juste là…droit devant vous… »